Les églises vandalisées : le silence blessé des pierres

Eglise de Panilleuse (27) dont l autel a été incendié fin aout 2025

Elles veillent depuis des siècles sur nos villages et nos villes, ces églises de pierre que l’on croyait inviolables. Pourtant, depuis quelque temps, leur silence se fissure sous les coups du vandalisme. En 2025, la France enregistre 322 actes antichrétiens au premier semestre, soit 13 % de plus qu’à la même période en 2024. Ce chiffre, loin d’être abstrait, dit une réalité inquiétante : celle d’un patrimoine spirituel devenu la cible d’une violence qui ne faiblit pas.

En 2024, on comptait cinq vols par semaine dans les églises françaises. Les régions les plus touchéesÎle-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie — forment une carte du sacré blessé, où chaque clocher semble désormais menacé. Les objets liturgiques, pourtant dénués de valeur marchande pour la plupart, attirent les convoitises : 820 vols signalés cette année-là, soit une hausse de 24 % par rapport à 2023. Le sacré s’effrite à coups de pied de biche et de cambriolages nocturnes.

Dans les Landes, la fin de l’été 2025 a pris des allures de saccage : vingt-sept églises pillées en quelques semaines. Les voleurs n’ont pas hésité à jeter les ciboires sans valeur, à piétiner les hosties, profanant jusqu’au symbole même de la foi chrétienne. Trois malfrats ont finalement été arrêtés, mais le mal était fait — irréparable pour les fidèles, irréversible pour la mémoire du lieu.

L’été 2025 a vu d’autres blessures s’ajouter au tableau : des dizaines d’églises rurales, notamment en Creuse, ont été dépouillées de leurs ciboires, patènes et calices. Comme si la campagne, autrefois refuge de la ferveur tranquille, devenait à son tour le théâtre d’un désenchantement violent.

Et quand les voleurs ne viennent pas, ce sont les flammes qui s’en chargent. Les incendies criminels ont bondi de 112,5 % entre 2023 et 2024, et les huit premiers mois de 2025 comptent déjà six départs de feu volontaires. À Paris, Notre-Dame-des-Champs, dans le 6ᵉ arrondissement, a connu en juillet 2025, deux incendies successifs : un préjudice estimé entre deux et trois millions d’euros, mais surtout une blessure morale, infligée au cœur de la capitale. En aout 2025, l’autel de l’église de Panilleuse dans l Eure a été la proie des flammes. Il s’en est fallu de peu pour que toute l’église qui possède un des plus beaux plafonds peints de l Eure ne s’enflamme. 

Face à cette hémorragie silencieuse, certains tentent de réagir. Édouard de Lamaze, président de l’Observatoire du Patrimoine Religieux, plaide pour la mise en sûreté systématique des objets religieux : alarmes, serrures renforcées. Il appelle les communes à ne plus se contenter de veiller symboliquement sur leurs églises, mais à les protéger concrètement.
Pour la sénatrice Sylviane Noël (LR), ce qui choque le plus, ce n’est pas seulement l’ampleur des dégradations, mais le mutisme des autorités publiques : « On ne tire pas la sonnette d’alarme, alors que nos églises brûlent ou se font piller dans l’indifférence générale. »

Et la France n’est pas seule : l’Allemagne connaît la même progression des actes de vandalisme. Ce fléau n’a plus de frontières, il s’étend comme une ombre sur une Europe désenchantée, où le sacré, déserté par la ferveur, attire désormais la violence.

Claire Danieli-Octobre 2025